Jornal COMBATE - 2 publicações Vosstanie Editions

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sábado, 15 de fevereiro de 2014

LETTRE DU PORTUGAL de Joao BERNARDO (1978)

Depuis plusieurs mois le Portugal est en état de crise ministérielle ouverte ou latente, mais à Lisbonne ces histoires-là ne semblent pas intéresser grand monde. Pourquoi ce manque d'intérêt ? Selon certains commentateurs les gens seraient « fatigués » de toutes ces crises, « bien trop compliquées » pour retenir l'attention des travailleurs. Pourtant en 1975, alors que les crises gouvernementales étaient plus longues et bien plus compliquées, personne ne s'en désintéressait. En réalité les ouvriers portugais ne se montrent pas aussi « fatigués » de la lutte que certains le croient ou le désirent. Des grèves, certaines longues et assez dures, ont eu lieu récemment ou sont en cours, d'autres se préparent, et ce ne sont pas des grèves bureaucratiques où les ouvriers sont chez eux et les dirigeants syndicaux chez les patrons, mais des mouvements qui expriment une activité proléta­rienne réelle.

Les principales luttes présentes et à venir ont lieu au sud, dans les coopératives agricoles de la Zone de la Réforme Agraire : le gouvernement a en effet décidé de « réserver », de « concéder » une partie des terres et du bétail aux anciens propriétaires ; et il refuse tout dialogue préalable avec les travailleurs quant à l'emplacement et à l'étendue de ces « ré­serves ». Naturellement les travailleurs refusent de donner ces terres et s'y rassemblent à plusieurs milliers avec le concours des membres des autres coopératives de la région. La GNR (Garde Nationale Républicaine), qui sévissait déjà pendant le fascisme, réprime brutalement ces rassemblements. De la charge à cheval, sabre au clair, jusqu'aux évo­lutions d'automitrailleuses blindées ultramodernes, la GNR étale toute sa panoplie comme pour un musée vivant d'Histoire des Techniques de Répression.

Jusqu'à présent la solidarité envers les travail­leurs des coopératives agricoles du sud, de la part des prolétaires des autres secteurs de production, n'a pas dépassé le niveau des « réunions de protestation » dans les usines et des « grèves de solidarité » de courte durée. Cela empêche les travailleurs des coopératives de résister à la GNR avec d'autres armes que leurs mains. Mais dès que la GNR quitte les terrains contestés, les travailleurs les occupent de nouveau, et ainsi de suite, ce qui dénote, en plus de l'habileté tactique, un esprit de résistance à long terme. C'est sur ces faits que se porte l'attention des travailleurs bien plus que sur les crises gouvernementales, simples querelles, dans les classes dominantes, de divers clans de gestionnaires du capitalisme. Si les travailleurs s'étaient intéressés, en 1974 et 75, à ce qui se passait à l'intérieur de l'appareil d'Etat, c'est parce que dans ces années-là, cet appareil se trouvait forcé de se situer politiquement, dans l'immédiat, devant l'irrésistible pression du prolétariat sur des classes dirigeantes alors en désaccord entre elles. Il n'en est pas de même actuellement où, dans un appareil d'Etat réorganisé, les querelles internes n'intéressent plus que les classes dominantes, celles-ci ayant désormais, pour affronter les grandes luttes sociales, une position commune défendue par tous leurs représentants politiques et aussi par les dirigeants du P.C. Ces derniers, qui savent pourtant que la Zone de la Réforme Agraire est l'un de leurs plus puissants fiefs électoraux, font leur possible pour « ne pas enve­nimer les choses » : par exemple la Confédération Syndicale, où le PC est majoritaire, n'a donné qu'un ordre de grève limitée à un après-midi dans cette Zone et n'a proposé aux entreprises du reste du pays que des arrêts de travail de dix à trente minutes. Les bureaucrates syndicaux ont voulu qu'une fois satisfait, et vite, le « besoin moral » de solidarité, les ouvriers retournent aussitôt au travail. Mais à ce jeu les dirigeants du PC risquent fort de perdre la confiance des travailleurs. Ceux-ci ont déjà bien compris ce que représentent les crises politiques gouvernementales et ils ne s'y intéressent pas parce que leur affaire est ailleurs. Il n'y a pas lieu de parler de « passivité » ou de « manque d'intérêt politique » ; ceux qui, déjà en 1974, parlaient ainsi jusqu'au 24 avril, ont été bien étonnés le 25. Ce qui induit en erreur tous ceux qui ont le point de vue des classes dominantes pour observer les luttes prolétariennes, c'est qu'ils n'en aperçoivent que les reflets : pour les formes réelles ils sont aveugles.

Lisbonne, 1/11/78


Joao BERNARDO

Publié dans SPARTACUS socialisme et liberté Mensuel N°100 décembre 1978.

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