Jornal COMBATE - 2 publicações Vosstanie Editions

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terça-feira, 20 de maio de 2014

APRES LE 25 NOVEMBRE PORTUGAIS REPRESSION ET RESISTANCE DANS LE MILIEU OUVRIER par Charles REEVE

APRES LE 25 NOVEMBRE PORTUGAIS 
REPRESSION ET RESISTANCE 
DANS LE MILIEU OUVRIER 

par Charles REEVE


Paru dans la revue Spartacus N°B66R2 / Mars - Avril 1976


Il est indiscutable qu'un nombre im­portant d'ouvriers de la région industrielle de Lisbonne se sont sentis concernés par l'issue du putsch du 25 novembre 1975. Certes, si la masse de ces travailleurs étaient venus à accepter l'idée des groupes gauchistes selon laquelle l'affron­tement contre le capitalisme serait décidé par un conflit intermilitaires, ils restaient sceptiques mais décidés à jouer un rôle dans les évènements. Il est d'ailleurs plus que probable qu'une éventuelle participa­tion d'ouvriers armés aux affrontements aurait déclenché une dynamique particu­lière, changeant radicalement le cours des évènements, leur portée et leur contenu. Cela, les cadres militaires «pro­gressistes» l'ont bien imaginé et c'est, sans doute, une des raisons pour les­quelles ils ont obstinément refusé de dis­tribuer des armes aux ouvriers, lesquelles auraient risqué de bientôt se retourner aussi contre eux. 

Il y a eu aussi beaucoup de travail­leurs qui se sont abstenus d'intervenir dans les évènements ; les uns, en nombre sûrement très limité, ayant une conscience claire que l'intervention ouvrière se faisait à la remorque d'une ten­dance de la classe dirigeante et qu'ils étaient capables de donner un contenu de classe au processus. D'autres , la majo­rité, par pure passivité et désintérêt. D'au­tres encore, dont quelques C.T. (Commis­sions de Travailleurs) importantes, ont suivi les mots d'ordre et les idées de groupes comme le M.R.P.P. pour qui le putsch était : « de la totale responsabilité du P. C. P... le parti dit communiste »(1). 

Néanmoins, s'il est certain que la vic­toire du projet de la Gauche du MFA n'ap­portait pas de salut à la classe ouvrière, son écrasement ouvrait la voie à la répres­sion en milieu ouvrier. De cela les travail­leurs en étaient bien conscients. Pour le prouver les faits sont là, et ce sont les mêmes dirigeants du M.R.P.P. qui sont aujourd'hui obligés de reconnaître que : « La bourgeoisie s'est renforcée avec le 25 Novembre » (2). En effet, après deux mois, on peut, non seulement dire que l'initia­tive est passée du côté de la classe domi­nante, mais aussi que les objectifs de la « normalisation » se font clairs. Bien plus que les enquêtes et l'arrestation de mili­taires « progressistes », c'est la répression qui s'abat sur le mouvement ouvrier que doit nous intéresser car c'est elle qui va avoir des conséquences sur l'avenir du pays. Comme l'explique le journal Combate(3) : « Maintenant le gouvernement fait des perquisitions au siège de quelques partis ; mais ce sont surtout les militants ouvriers qui sont arrêtés. Quelques—uns de ces travailleurs arrêtés peuvent être membres ou sympathisants de partis, mais c'est en tant que militants du mouve­ment ouvrier qu'ils ont développé leurs ef­forts et c'est en tant que tels qu'ils sont ar­rêtés. Les partis eux mêmes soulignent bien la distinction lorsqu'il gardent, face à l'emprisonnement de militants ouvriers, une passivité et une discrétion qu'ils n'au­raient pas s'il s'agissait des membres de leurs appareils bureaucratisés ».

Dans les campagnes 

Dans les campagnes la « normalisa­tion » suit deux chemins. D'un côté par la répression qui s'abat sur les coopératives agricoles les plus radicales, d'un autre côté par le renforcement du contrôle étati­que sur la grande masse des salariés agri­coles qui occupent des propriétés dans le Sud. Dans les premières les militaires sont intervenus directement et violemment ; perquisitions et recherche d'armes, déploiement d'importantes forces militaires. C'est le cas dans quel­ques coopératives où étaient influents des militants de groupes gauchistes plutôt non—autoritaires comme la L.U.A.R. (Terre-bela, Aveiras de cima, Albernea), et où les arrestations se chiffrent par des dizaines. Les dénionciations et la division entre tra­vailleurs sont monnaie courante et sont utilisées par les militaires, l'isolement des populations se renforce « ce sont des hors la loi, des contre-révolutionnaire » et la peur gagne les travailleurs. Il faut en finir avec ces « anomalies », comme les appelle le Secrétaire à la Réforme Agraire, mem­bre du Parti Communiste(4), où les formes d'organisation étaient plus indépendantes du Syndicat, où les conditions de vie et de travail étaient plus égalitaires(5), où l'on ne cherchait pas seulement à « avoir un salaire garanti », comme dans le Sud, mais surtout « à vivre autrement » .



Pour l'ensemble des propriétés occu­pées de l'Alentejo l'intervention de l'Etat se renforce, il faut que la réforme agraire prenne toute sa signification : l'augmenta­tion de la productivité. Comme l'explique ce même Secrétaire d'Etat, la récente attri­bution de crédits pour le paiement dessa­laires — dont le retard posait des pro­blèmes depuis plusieurs mois (6)— est venu stabiliser la situation et neutraliser toute éventuelle révolte des salariés contre celui qui est la courroie de transmis­sion de l'Etat, celui qui paye les salaires ; le Syndicat des Travailleurs Agricoles, pro­-communiste. Pour compléter ce contrôle et cette centralisation, l'Etat rem­place les directions des centres régionaux de la réforme agraire où l'influence gau­chiste était forte. 

Dans les quartiers

Avant, lorsqu'on occupait un immeu­ble ou un quartier non—habité, les C.M. in­formaient le C.O P.C.O.N:, et ceci leur ser­vait de caution devant un Pouvoir instable. Maintenant non seulement il n'y a plus de C.O.P.C.O.N. mais la répression s'abat sur les occupants ! L'intervention de la G.N.R. et P.S.P. (7) est devenue choses générali­sée. Des cas comme celui d'un proprié­taire qui se fait accompagner par trois ca­mions de G.N.R. armées jusqu'aux dents pour déloger un occupant et sa femme, (quartier N.S. de Fatima—Lisboa, mi dé­cembre, Républica), sont quotidiens. Sous prétexte de recherches d'armes les forces militaires rentrent partout, allant jusqu'à envahir et détruire des crêches po­pulaires mises sur pied par les C.M. (Cova da Piedade). 

SUR LES LIEUX DE TRAVAIL 

C'est évidemment sur les lieux de tra­vail que la « normalisation » est la plus né­cessaire et aussi la plus difficile car faut te­nir compte de la force collective et de l'ex­périence de lutte qui marquent les travail­leurs des régions industrielles. C'est pourquoi les premières tentatives du Pou­voir et la réaction ouvrière jouent un rôle de test. Dans les petites boîtes on n'y va pas par quatre chemins, c'est le licencie­ment pur et simples des militants les plus actifs. Souvent on a recours à la délation, « cherchant à obtenir que des travailleurs dénoncent d'autres travailleurs; Mais, parmi les travailleurs arrêtés pour avoir participé activement à la mobilisation de camarades lors du 25 novembre, il y a aussi ceux de grandes entreprises, comme c'est le cas avec des ouvriers arrê­tés dans la grande boîte de travaux publics J. Pimenta. (9). 
Mais le moyen le plus efficace c'est encore celui des licenciements collectifs, la fermeture pure et simple des usines. Deux cas importants sont à condidérer. TlMEX, une des premières usines en lutte après le 25 avril 1974, avec une masse ouvrière politisée et riche d'expérience de lutte, où sont apparues les premières CT et 
des formes d'action collective directe (10), la direction vient d'annoncer la mise au chômage de 800 ouvriers sur les 2000 que compte l'entreprise, les maintenus voyant leurs horaires réduits de 3 heures par semaine ! Chez Applied Magnéties, entreprise multinationale aussi, fabriquant des composants électroniques, les ouvrières en lutte contre la fermeture de l'entreprise occupent depuis 16 mois. Les tribunaux viennent de décider l'expulsion des grévistes et les forces de la G.N.R. ap­pliquent l'ordre. Malgré la fraternisation momentanée des travailleurs venus dé­monter les machines et les appels de la C. T., la lutte se termine dans l'indiffé­rence totale. A peine une trentaine de tra­vailleurs d'autres entreprises se dépla­çant pour former des piquets ! La diffé­rence est grande avec le vaste mouve­ment de solidarité que toutes ces luttes avaient déclenché lors de la grande vague de luttes en 1974 (11). L'absence de solida­rité ouvrière dans ces premières tenta­tives de répression du capitalisme ne lais­sera pas indifférents le Pouvoir. Abandon­nées par les syndicats (Syndicat des élec­triciens pro-communiste) et par les groupes gauchistes qui les ont tant mani­pulées, les ouvrières de l'A. P. P. L. 1. E. D., comme ceux de Timex, souffrent les pre­mières des conséquences du reflux du mouvement social. Le fait que ces entre­prises soient des multinationales, avec un cycle de production extrêmement divisé, rend impossible toute reconversion dans le cadre d'une « économie nationale ». Ceci devrait, dans l'avenir, pousser les tra­vailleurs à comprendre l'absurdité des stratégies « d'indépendances nationale » des groupes gauchistes et, au contraire, les convaincre de développer la solidarité. internationale avec les travailleurs des mêmes branches, seule réponse efficace. 
Signe des temps, à la répression par le blocage des salaires, les licenciements et le refus d'appliquer les conventions col­lectives signées comme c'est le cas avec les ouvriers du bâtiment où la démobilisa -tion est grande après leur lutte de Novem­bre, vient s'ajouter l'intervention, pour la première fois depuis le 25 avril 1974 des forces policières. « ...avec une large expérience d'intervention, rodées par la repression exercée auparavant, fraîches et prêtes à suivre les ordres du pouvoir capita­liste... le mot d'ordre « les ordres ne se dis­cutent pas » leur va à perfection (2). 

Effet de l'effondrement économique, le chômage, la peur, gagne l'ensemble des travailleurs. Cependant tout n'est pas noir ! Malgré cette répression sélective, la réaction ouvrière se manifeste, laissant un léger espoir. Les discussions et les contacts entre les CT se développent. Dans ces réunions des ouvriers mettent ouvertement en cause les pratiques sui­vies, « dépassées par les évènements du 25 novembre » (13). La classe ouvrière est seule, maintenant comme auparavant, à la seule différence qu'aujourd'hui elle le sait, par la force des choses ! Et c'est une différence. Dans des quartiers les gens  s'organisent pour s'opposer aux expul­sions, dans les boîtes des occupations et des actions de solidarité se manifestent quelquefois lors des licenciements collec­tifs (Republica, 20/12/75). Mais ces ac­tions restent très limitées et l'on voit mal dans les conditions actuelles le déclenchement d'un vaste mouvement de lutte, ca­pable de faire renaître, à une échelle mas­sive et avec un pouvoir réel, des organisa­tions de base capables de mettre en dan­ger le pouvoir de la classe dominante. Les organisations de base, CT's et CM's sont affaiblies, vidées de représentativité et de possibilités, et c'est renverser le problème que penser que le développement de leur « unification autonome » peut répondre à la répression (journal Combate, 6/12/75). Unification de quoi ? Car l'unification est toujours possible au sommet par la création de « Coordinations » ou de Secrétariats » bidons, contrôlés par les groupes politiques. La question est de sa voir si l'on unifie des organisations sans représentativité ou celles qui sont l'expres­sion d'un mouvement de base réels. 

Une nouvelle phase dans la lutte so­ciale s'ouvre au Portugal. La force des travailleurs y est indiscutablement affaiblie, mais beaucoup de choses ont changé y compris leur mentalité. Dans l'avenir d'autres facteurs joueront un rôle important et il pas exclus que les changements qui se produisent actuellement dans la société et chez les travailleurs espagnols puissent influencer l'equilibre social du Portugal et la renaissance des luttes. Leur portéé se­rait alors toute autre. 


Paris, Janvier 1976 C.R.



(1) texte du M.R.P.P, O Tempo e o Modo, n° 114. 
(2). meeting du M.R.P.P., Lisboa, 18 décem­bre 1975. 
(3) Editorial, 26/12/75. 
(4) A. Biea, interview à O Lernal, Lisboa, 19/12/75. 
(5) voir Colin, « Révolution et contre-révolu-tion dans les campagnes Portugaises », Les Temps Modernes, Octobre 1975. 
(6) voir « Portugal : De l'incertitude à la fin des illusions » revue SPARTACUS, Novembre 1975. 
(7) G.N.R. = C.R.S. / P.S.P. = police . 
(8) Communiqué de la CT de l'entreprise C.I.R.E.S. (chimie), Répubica 19/12/75. 
(9) Combate, 26/12/75. 
(10) voir «Portugal l'autre combat>, Ed. Spartacus. 
( 11) voir «Portugal l'autre combat », Ed. Spartacus. 
(12) J. Henriques, O regresso da velha sen­hora », Expresso, 24/12/75. 
(13) Intervention d'un ouvrier dans l'A.G. des CT de la zone ouest de Lisbonne (Lisnave, E.D.F.-G.D.F., Transports Publics, etc), cité par Républica 15/12/75.

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